Histoire et Géographie
Le blog d’histoire-géographie de Jérôme Bouffand
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Correction de l’étude de document sur la réunion du G6 de 1975
Article mis en ligne le 16 octobre 2019

par jbouffand

Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale émerge l’idée que les pays du monde doivent trouver collectivement des solutions pour garantir la stabilité économique mondiale et éviter le retour des crises économiques. Cette gouvernance économique mondiale mise en place par les accords de Bretton Woods de 1944 est remise en cause à partir des années 1970.


Ce document est la déclaration finale de la réunion du G6 de 1975, qui rassemblait à l’invitation du président français Giscard d’Estaing les dirigeants des « pays industriel[s] importants[s] » et des « principales nations commerçantes » du bloc occidental, c’est à dire les Etats-Unis, le Japon, la RFA, la France, le Royaume-Uni et l’Italie. Le contexte est difficile pour l’ensemble de l’économie mondiale. En mettant fin à la convertibilité du dollar en or et en le dévaluant, le gouvernement américain a mis fin aux accords de Bretton Woods, alors que le premier choc pétrolier (1973) plongeait les pays industrialisés dans la crise économique. Quant aux « pays en développement », fournisseurs de matières premières, ils ont été également victime de cette crise économique. Le but de cette réunion du G6 était de refonder une gouvernance économique mondiale après l’échec final des accords de Bretton Woods.

Cette gouvernance économique mondiale en pleine réorganisation est confrontée à de nombreux défis.
Lors de la guerre du Kippour, les pays arabes producteurs de pétrole ont augmenté le prix de cette « énergie importée » à laquelle beaucoup de pays occidentaux ont une véritable « dépendance  ». Associée à la chute de la valeur du dollar, cette décision a entraîné le premier choc pétrolier, caractérisé par un triplement du prix du pétrole plongeant les économies occidentales dans une grave crise économique.
Cette crise économique a entraîné une contraction du « volume des échanges commerciaux », une remise en cause du « système d’échanges » commerciaux, brisé « la croissance » et mis fin à « la stabilité des prix ». En effet, la période de forte croissance économique des Trente Glorieuses a pris fin avec le premier choc pétrolier, tandis que la baisse de valeur du dollar a causé en retour une forte croissance des prix (inflation), entraînant une baisse du commerce mondial.
Les pays occidentaux sont confrontés au « chômage  » de masse, phénomène jamais vu depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. Alors que les Trente Glorieuses avaient été une période de plein emploi, le chômage augmente brutalement, touchant par exemple 1,5 millions de Français au milieu des années 70.
Enfin, les pays en développement souffrent « [d’]importants déficits » budgétaires qui constituent « un problème grave » pour eux et pour « le reste du monde ». Devenus indépendants dans les années 50 et 60, les pays du Tiers-Monde sont restés dans un système économique néo-colonial, pudiquement qualifié « d’interdépendance » par le communiqué, alors qu’il s’agit d’une dépendance économique. La plupart d’entre eux ont continué à fournir des matières premières au « monde industrialisé » sans développer eux-même d’industries. Tant que la croissance économique des Trente Glorieuses augmentait la demande en matières premières des pays développés, elle favorisait la « croissance des pays en développement ». La crise des années 70, en réduisant la demande de matières premières, dont le prix baisse, entraîne une chute des revenus des Etats du Tiers-Monde qui se retrouvent lourdement endettés.

Les pays du G6 souhaitent tout faire pour assurer le « financement [du déficit] » des pays en développement pour éviter un effondrement en chaîne de leurs économies et sauvegarder les intérêts financiers des banques occidentales qui sont leurs créancières, pour protéger « la bonne santé » des économies du G6. Le « Fond Monétaire International » dans lequel les pays du G6 ont une influence prépondérante, en particulier les Etats-Unis qui y disposent d’une minorité de blocage, est l’instrument privilégié de cette aide financière. Avec la fin des accords de Bretton Woods, il a perdu le rôle de gendarme du système monétaire international qui était le sien. Il se réoriente alors vers l’aide financière aux pays en difficulté budgétaire.
Cependant, chaque tranche de cette aide financière indispensable pour éviter la banqueroute à certains pays est assortie de conditions toujours plus rigoureuses. Le Mexique, qui sollicite l’aide du FMI en 1982, doit ainsi baisser ses dépenses (baisse du salaire des fonctionnaires, réduction des dépenses sociales,…), privatiser de nombreuses entreprises nationales et infrastructures publiques (énergie, transport,…) et augmenter les impôts. Ces conditions imposées par le FMI sont inspirées par les économistes néo-libéraux de l’Ecole de Chicago, pour qui il est nécessaire de réduire l’influence de l’État sur l’économie. Cette influence des économistes néo-libéraux se retrouve à la tête de la Banque Mondiale ou encore de la Réserve Fédérale américaine (consensus de Washington). Si cette politique contribue à sauver le Mexique de la faillite, elle le plonge en revanche dans une grave crise sociale. Le niveau de vie moyen des Mexicains baisse en effet de moitié.


Première manifestation d’une « diplomatie de club » promise à un bel avenir, la réunion du G6 de 1975 est le reflet du désarroi des pays occidentaux face à la dislocation de l’ordre économique issu des accords de Bretton Woods. Dans l’urgence, ils doivent recomposer une gouvernance économique mondiale pour faire face à une grave crise économique, tenant compte de l’instabilité du cadre économique mondial, de l’émergence de nouveaux acteurs (FTN) ou de la redéfinition du domaine de compétences d’institutions internationales comme le FMI.